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Ça s'est passé à Paris un 6 décembre

Écrit le lundi 5 décembre 2016 08:42

lundi, 05 décembre 2016 08:42

Ça s'est passé à Paris un 6 décembre

Le 6 décembre 1805

Ce jour vit la disparition d'un génie méconnu et d'un grand savant.

Né près de Sées, en Normandie, le 4 août 1755, Nicolas-Jacques Conté est l'une des personnalités les plus brillantes et les plus méconnues de notre histoire.

Peintre, physicien et chimiste, c'est en particulier l'inventeur du crayon tel qu'on le connaît encore de nos jours. Les fameuses boîtes de crayons Conté de notre enfance...

Ayant perdu son père, jardinier, alors qu'il était encore en bas âge, le jeune Conté fut élevé par sa mère. Il révéla très jeune son esprit d'invention et son goût pour la mécanique et la peinture.
Dessinant sans autre crayon qu'un charbon de bois et peignant avec des couleurs qu'il fabriquait lui-même, il fut encouragé par l'évêque de Séez Duplessis d’Argentré et la supérieure de l'hôpital de Sées, Mme de Prémesle, à peindre divers sujets religieux pour cet établissement.
Il entreprit donc l'exécution des peintures qui décorent encore aujourd'hui l’église de l'hôpital, puis se livra à l'art du portrait. Il faisait vite et ressemblant : c’était tout ce que demandait la clientèle locale, que le coloris des tableaux charmait de sa vivacité tranchante.

Pendant ce temps, Conté continuait ses études de physique et surtout de mécanique.

Conté, s'étant lié d'amitié avec un seigneur des environs d’Alençon, entreprit de lever le plan d'une vaste propriété, pour lequel il imagina un instrument très simple qui facilitait ce travail de cadastre.
Dans le même temps, Conté fit exécuter une machine hydraulique qui fut soumise à l'Académie des sciences fut déposée dans le cabinet de physique de Jacques Charles, qui l'employait habituellement dans ses démonstrations.

Puis vint la Révolution française.

La France fut attaquée de toutes parts et le Comité de salut public songea à l'utilisation des aérostats (c'est à dire des ballons captifs embarquant des militaires pour observer les positions et les mouvements des armées ennemies durant les batailles). Conté anima une commission de savants nommée à cet effet.
Il entreprit diverses expériences pour reconnaître l'altération que le gaz hydrogène pouvait produire sur l'enveloppe des aérostats. Il s'agissait de préparer les gaz avec plus d'économie, de rapidité, en plus grande abondance, de rendre les enveloppes plus solides, plus imperméables, les vernis plus souples, moins sujets à s’oxyder.

Une nuit, Conté avait préparé plusieurs matras remplis de différents gaz et des morceaux de taffetas enduits de compositions diverses. S'étant fait donner de la lumière à l'extrémité de son laboratoire, il s'apprêtait à enlever le bouchon d’un des matras pour essayer le gaz qu’il renfermait. Un courant d'air se forma, qui entraîna le gaz hydrogène sur la flamme de la lampe. Il s'ensuivit une détonation terrible qui brisa tous les instruments de verre, dont les éclats atteignirent Conté sur toutes les parties de son corps. Cet accident lui coûta son œil gauche, et le gouvernement lui conféra le grade de chef de brigade d'infanterie, avec le commandement en chef de tous les corps d'aérostiers.

Mais à cette époque, les défaites navales et le blocus de nos ports par la marine anglaise rendaient la pénurie de matériaux de plus en plus critique pour notre économie.
En particulier, la pénurie des crayons importés de l'étranger se faisait sentir. Les crayons utilisaient, depuis le xvie siècle, des mines de plombagine, un graphite très pur extrait à Borrowdale, dans le comté de Cumberland, en Angleterre. Avec le blocus économique auquel la France était soumise en 1794, l'agence des mines, consultée par le gouvernement, chargea Conté d'inventer une mine de crayon ne nécessitant plus de matières premières d'origine étrangère. Après quelques jours de recherches, Conté eut l'idée de mélanger du graphite avec de l'argile, de cuire le tout et de l'enfermer entre deux demi-cylindres de bois de cèdre.

En cela, comme dans toutes ses autres inventions, Conté ne pensa jamais à ses intérêts personnels. Il fallut toute l'insistance de ses amis pour le déterminer à prendre, en 1795, le privilège de la fabrication des crayons. Ayant obtenu un brevet pour son invention le 3 janvier 17951, il éleva, en moins d'une année, la manufacture de crayons qui porte son nom. Il s'occupait d'y adjoindre un nouveau genre de couleurs inaltérables, lorsqu'il fut appelé, avec beaucoup d'autres savants, à l'expédition d’Égypte.

Le général Bonaparte avait emmené avec son corps expéditionnaire, des centaines d'artistes et de scientifiques, impatients de découvrir et d'explorer ce pays exotique et inconnu: l'Egypte.

Mais les ingénieurs, les chirurgiens manquaient d'instruments de mathématiques, de chirurgie. Conté fit aussi fabriquer des sabres pour l’armée, des ustensiles pour les hôpitaux, des instruments de mathématiques pour les ingénieurs, des lunettes pour les astronomes, des crayons pour les dessinateurs, des loupes pour les naturalistes. Depuis les machines les plus compliquées et les plus essentielles, comme les moulins à blé, jusqu'à des tambours et des trompettes, tout se fabriquait dans son établissement. Il perfectionna également la fabrication du pain, indispensable pour une armée en campagne.

Conté appliqua les nouvelles techniques : par exemple, un nouveau télégraphe. Les généraux voulurent, à l'occasion des fêtes annuelles, donner aux Égyptiens un spectacle frappant, et il fit des montgolfières. On ne saurait détailler tous les travaux exécutés par Conté en Égypte. Pour l'embarquement de l'armée qui allait repasser en France, il avait projeté et commencé la fabrication de citernes en plomb. Mais la bataille d'Héliopolis le rappela au Caire. L’habillement de l’armée avait épuisé tous les magasins du pays, et l’état de blocus empêchait le commerce d’y apporter des draps. Conté conçut le projet de fabriquer du drap pour l'armée entière et la consommation des habitants.

Les trois généraux qui commandèrent successivement en Égypte s'étaient empressés de rendre justice à celui qui, selon les expressions du général Menou, « avait nourri et habillé l'armée ». Le ministre de l'intérieur lui écrivait : « Il est permis de s'enorgueillir quand on peut dire comme vous : j'ai fabriqué le premier acier, j'ai fondu le premier canon ». Le retour de l'expédition le força à abandonner tout ce qu'il avait exécuté en Égypte, et ce ne fut pas sans regrets que Conté renonça à toutes ses activités.

De retour en France, Conté est chargé par le gouvernement de diriger la réalisation du grand ouvrage que la commission d'Égypte, nouvellement créée, allait publier. Le nombre des monuments et des objets d'art qu'il fallait représenter était immense. Le seul détail de la gravure, avec les procédés ordinaires, aurait exigé des dépenses énormes et demandé un grand nombre d'années.

Conté imagina une machine à graver par laquelle tout le travail des fonds, des ciels et des masses des monuments s'effectuait avec facilité et rapidité. L'utilité de cette machine n'a pas été limitée à l'ouvrage sur l'Égypte : d'autres artistes l'introduisirent dans leurs ateliers.
Reprenant son rang au Conservatoire, il devint l'un des fondateurs de la Société d'encouragement, qui rendait de grands services à l'industrie. Membre du bureau consultatif des arts et manufactures au ministère de l'Intérieur, il se faisait présenter toutes les inventions nouvelles, du point de vue des intérêts de l'administration et du pays.

Conté se retrouvait au milieu des siens, mais perdit rapidement son frère, puis son épouse. Son activité, dès lors, se ralentit. « J'étais aiguillonné, disait-il à un ami, par le désir de plaire à ma femme. Je lui rapportais tous mes succès. Que me reste-il maintenant ? » Sa profonde douleur et l'altération de sa santé n'arrêtèrent pas pour autant son courage. Conté fut l'un des premiers membres de la Légion d'honneur, mais sa santé continua de décliner.

Egal à lui-même, tout entier tourné vers le service de la Nation, il mourut à Paris le 6 décembre 1805.

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