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Ça s'est passé à Paris un 22 mars

Écrit le mardi 21 mars 2017 22:28

mardi, 21 mars 2017 22:28

Ça s'est passé à Paris un 22 mars

Le 22 mars 1594

Paris ouvre ses portes à Henri IV, et le reconnaît pour son roi

 


Après la bataille d’Ivry, Henri IV s’était occupé de la réduction de quelques villes importantes ; mais reconnaissant que toutes ses conquêtes seraient inutiles tant qu’il n’attaquerait pas le foyer principal de la rébellion, il s’avança vers la capitale ; il prit d’assaut tous les faubourgs de Paris dans un seul jour ; il eût de même pris la ville, s’il n’eût pensé qu’à la conquérir ; mais il craignit de donner sa capitale en proie aux soldats, et de ruiner une ville qu’il avait envie de sauver. Il assiégea Paris, il leva le siège, il le recommença ; enfin, il bloqua la ville et lui coupa toutes les communications, dans l’espérance que les Parisiens seraient forcés, par la disette des vivres, à se rendre sans effusion de sang.

Mais les chefs des Ligueurs tournèrent les esprits avec tant d’art, que tous les habitants firent le serment de souffrir les plus cruelles extrémités, et de mourir de faim, plutôt que de se rendre : ils livrèrent, à l’envi, leur batterie de cuisine pour fondre du canon ; tous s’offraient pour travailler aux fortifications ; les citoyens les plus aisés payaient largement les mercenaires qui voulaient contribuer à l’ouvrage, et trois fois la semaine on s’exerçait dans chaque quartier aux évolutions militaires.

Depuis que le roi s’était rendu maître des ponts de Charenton et de Saint-Cloud, et que tous les passages étaient fermés, la ville commençait à ressentir les horreurs de la famine. L’armée assiégeante recevait tous les jours de nouveaux renforts ; les uns s’y rendaient dans l’espoir d’avoir part au pillage, les autres pour donner un témoignage de leur fidélité. Le roi, qui désirait prendre la ville par capitulation, ne pressait pas le siège. Les Parisiens, qui déjà n’avaient d’autre nourriture que les discours de leurs orateurs, ne laissaient pas de chanter dans les rues, des ballades et des chansons contre le Béarnais ; mais cette déplorable joie fut enfin étouffée par la misère la plus effroyable.

A la vérité, les chefs des Ligueurs et tous ceux qui exhortaient le peuple à souffrir courageusement les plus dures extrémités, étaient abondamment pourvus de toutes sortes de provisions ; mais tout le reste était réduit à manger les chiens, les chats et les souris ; on faisait bouillir les herbes et les feuilles, qu’on assaisonnait avec du vieux-oing et du suif ; on en vint jusqu’à faire du pain avec des os de morts, réduits en farine. On allait à la chasse aux enfants, et l’on vit une mère... Ce fait est attesté par les témoignages les plus authentiques.

L’opiniâtreté des Parisiens était égale à leur misère. Henri eut plus de compassion pour leur état, qu’ils n’en avaient eux-mêmes. Son bon naturel l’emporta sur son intérêt particulier. « J’aimerais mieux, disait-il, n’avoir point de Paris, que de l’avoir tout ruiné et tout désolé par la mort de tant de personnes. » Il souffrait que ses soldats vendissent en particulier toutes sortes de provisions à la ville : ainsi, on vit arriver ce qu’on n’avait pas encore vu, que les assiégés étaient nourris par les assiégeants. « Le roi, dit Mézerai, permettait à ses officiers d’envoyer des rafraîchissements à leurs anciens amis. Les soldats en faisaient autant, à l’exemple de leurs officiers. » Le roi avait de pus la générosité de laisser sortir de Paris tous ceux qui se présentaient. Un jour ayant rencontré deux de ces malheureux, il leur donna l’argent qu’il avait sur lui : « Le Béarnais est pauvre, ajouta-t-il ; s’il avait davantage, il vous le donnerait. »

Les royalistes qui étaient enfermés dans la ville, avaient plusieurs fois excité des mouvements en faveur du roi ; mais ils étaient veillés de si près, et leurs mesures étaient toujours si mal concertés, qu’ils ne tentaient jamais rien avec succès. Dans une de ces émeutes où l’on entendit crier : La paix ou du pain, un père et son fils furent étranglés à la même potence.

Cependant les principales ville du royaume, Lyon, Orléans, Bourges, et plusieurs autres, avaient déjà donné l’exemple de la soumission. Le maréchal de Brissac, que le duc de Mayenne avait chargé du gouvernement de Paris en son absence, entama une négociation secrète avec le roi. « Ce seigneur, dit Voltaire, au milieu de tant de troubles, avait d’abord eu le dessein de faire de la France une république ; mais un échevin, nommé Langlois, homme qui avait beaucoup de crédit dans la ville, et des idées plus saines que le maréchal de Brissac, le ramena à son sentiment. »

Ces deux restaurateurs de la tranquillité publique s’associèrent quelques magistrats et les principaux bourgeois ; les mesures furent si bien prises, les Ligueurs si artificieusement trompés, et ensuite si bien contenus, qu’Henri IV fit son entrée dans la capitale, sans qu’il y eût presque de sang répandu.

On ne peut mieux faire que de rapporter ici les paroles de l’historien Auguste de Thou : « On vit presque en un moment les factions éteintes, un roi légitime affermi sur le trône, la liberté publique et les lois rétablies. » Henri se voyant au Louvre, dit au chancelier Chiverny : « Est-il possible que je sois ici ? Plus j’y pense, moins je le conçois. » Cet événement lui paraissait incroyable. Le même jour il alla dans l’église de Notre-Dame, rendre à Dieu de solennelles actions de grâces, au milieu d’un peuple innombrable, qui ne cessait de crier : Vive le roi ! « Je vois bien, dit ce bon prince, que ce pauvre peuple était tyrannisé. »

On peut lire, dans la Henriade, chant X :

Tout le peuple changé, dans ce jour salutaire,
Reconnaît son vrai roi, son vainqueur et son père.

La mémoire de la réduction de Paris fut consacrée par une procession, à laquelle assistèrent le roi, les cours souveraines et le corps de ville ; elle se renouvela depuis tous les ans, le 22 mars, pour remercier Dieu d’avoir rendu Paris à Henri IV, et Henri IV à Paris.

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