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1er et 2ème Arrondissement Année : 1686

 

LA PLACE DES VICTOIRES,
UN ECRIN POUR LE ROI SOLEIL

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Un projet ruineux

C'est pour glorifier Louis XIV, qui vient de mettre fin à la guerre de Hollande par la paix de Nimègue, que le duc de La Feuillade, vaillant guerrier et habile courtisan, commande en 1682 une statue à Martin Desjardins. Celui-ci réalisa une statue en pied du Roi, vêtu à l'antique.

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Le Maréchal de La Feuillade


Ce marbre, conservé à Versailles, fut offert à Louis XIV par La Feuillade. Dès 1682, il commande à Desjardins une réplique en bronze doré.

Désirant lui donner un écrin digne du Roi Soleil, il acquiert l'année suivante les vastes hôtels de La Ferté-Senneterre et d'Hémery pour y créer une place que la Ville décide finalement d'édifier à ses frais.

Inutile de préciser que ce somptueux projet a ruiné le Maréchal.

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La statue initiale de Louis XIV


Ainsi, une statue n'est pas venue orner le centre d'une place, mais c'est la place qui fut construite autour de la statue.

La statue en bronze doré figure Louis XIV en habit de sacre, foulant au pied le monstre à trois têtes représentant les vaincus de la Triple Alliance et recevant d'une Victoire une couronne de lauriers.
Il reposait sur un piédestal, cantonné par quatre prisonniers enchaînés.

Eclairée jour et nuit par quatre fanaux juchés sur des colonnes, elle éblouissait d'une lumière dorée la place et ses alentours.

Elle fut fondue à la Révolution (et l'or gratté ne fut pas perdu pour tout le monde), en 1792, pour fabriquer des canons. Mais les captifs enchaînés qui ornaient son piédestal, allégorie des nations défaites, ont pu être sauvés deux ans auparavant.

Pour remplacer Louis XIV, pas moins de cinq monuments lui succèderont. L'un d'eux, représentant le général Desaix complètement nu, fit tellement scandale en 1810 qu'il
faudra le cacher derrière une palissade...


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La statue actuelle


L'actuelle statue équestre de Louis XIV est une commande de Louis XVIII, calquée sur un modèle de Pierre le Grand, exposé à St Petersbourg.

En attendant que la statue équestre du Roi Soleil fut élevée, en février 1816, on vit sur l'espace rendu disponible par les révolutionnaires, des monuments aussi hideux qu'une pyramide en planches mentionnant les 86 nouveaux départements français...

Le contexte historique

La signature du traité de paix de Nimègue aux Pays-Bas marque la fin de la guerre de Hollande qui oppose la France aux Provinces-Unies et à l'Espagne depuis 1672.

Destinée à abaisser les Provinces-Unies, première puissance économique européenne contre laquelle Colbert mène une lutte de tarifs douaniers (1664, 1667), cette guerre, entreprise par Louis XIV, est aussi une expédition punitive contre les Hollandais, instigateurs de la Triple-Alliance (1668) pendant la guerre de Dévolution.

Une brillante campagne diplomatique (1669-1672) menée par Hugues de Lionne isole les Provinces-Unies et assure à Louis XIV l'alliance de Charles II d'Angleterre, pourtant traditionnelle alliée des Provinces Unies contre la France 
(traité de Douvres, 1670), de la Suède, de l'Électeur de Cologne et de l'évêque de Münster, ainsi que la neutralité de l'empereur et de plusieurs princes allemands.

La guerre est déclarée par l'Angleterre le 28 mars 1672, puis par la France le 6 avril. Louis XIV et l'armée française, commandée par Condé et Turenne, franchissent le Rhin au sud d'Arnhem (12 juin), puis s'emparent d'Utrecht (20 juin).  

Mais l'ouverture des digues par les Hollandais, en inondant la Hollande, arrête les progrès des Français. Sur les conseils de Louvois, Louis XIV rejette les offres de paix faites par les états généraux (29 juin) et montre des exigences inacceptables.

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L'invasion française provoque dans le pays un sursaut national : rendus responsables du désastre, Jean et Cornelis de Witt sont assassinés, tandis que Guillaume d'Orange est nommé stathouder des Provinces-Unies (juillet-août 1672). Après la prise de Maastricht par les Français (juin 1673), Guillaume suscite contre Louis XIV une puissante coalition européenne, qui réunit autour de lui l'Empire, l'Espagne et le duc de Lorraine (traités de La Haye, 30 août), puis le Danemark (1674).

La défense des frontières françaises sera conduite avec succès sur trois fronts : en Franche-Comté, qui est conquise en mai-juin 1674 ; aux Pays-Bas espagnols,
où Condé remporte la victoire de Seneffe (août 1674) et où plusieurs places (dont Saint-Omer, Cambrai, Valenciennes) sont conquises (1675-1678) ; et en Alsace, où Turenne bat les impériaux à Turckheim (janvier 1675).

Un premier traité est conclu par la France du Roi-Soleil, le 10 août 1678, avec les Provinces-Unies. Celles-ci obtiennent la restitution de leurs places et l'abrogation par Colbert du tarif douanier prohibitif de 1667 qui ruinait leur commerce.

Un deuxième traité, le 17 septembre 1678, est conclu avec l'Espagne, grande perdante de la guerre de Hollande.

Elle cède à la France la Franche-Comté et la ligne Cambrai-Bouchain-Valenciennes-Condé-Maubeuge, ainsi que Saint-Omer, Cassel et Ypres.
Grâce à ses victoires, la France atteint sur le Jura et dans les Flandres ses frontières quasi-définitives.

 

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Louis XIV devant Besançon


Au total, le Roi Soleil agrandit la France, consolide ses frontières, éloigne Paris des frontières ennemies et affaiblit un des principaux adversaires de la France: l'Espagne.

Le roi de Germanie Léopold Ier reçoit, pour sa part, Philippsburg en échange de Fribourg.

 

Découvrez le quartier de la Bourse, de la place des Victoires, du Sentier ainsi que la Galerie Vivienne grâce à une balade numérique ludique  

 

 

 

 

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L'inauguration de la place des Victoires

Soixante-dix-huit mètres, tel est le diamètre choisi par Jules Hardouin-Mansart pour cette place, si nouvelle par sa conception circulaire.

Les proportions sont réduites, mais savamment calculées pour que l'observateur situé au bord de la circonférence ait sur la statue, haute de 12 mètres, un angle
de vue de 18 degrés, considéré comme idéal par les théoriciens.

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L'inauguration de la place des Victoires


Vin à toutes les fontaines, feux de joie et d'artifice, cannonades marquent son inauguration en mars 1686.

Brisant au nord sa circularité, l'hôtel de Pomponne (détruit en 1883) et celui de Rambouillet, qui existe toujours (à l'angle de la place et de la rue d'Aboukir), très dénaturé, sont conservés mais avec des façades rectifiées en 1689 afin de les rendre "jumeaux".

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La place des Victoires au XVIII siècle (Plan de Turgot)


Refermée sur elle-même, la place ne s'ouvre que sur les rues La Feuillade, du Petit-Reposoir (actuelle rue Vide-Gousset), des Fossés Montmartre (actuelle rue d'Aboukir)
et Catinat, vers laquelle on oriente la statue du roi, afin qu'elle regarde l'hôtel de La Vrillière, qu'avait édifié François Mansart, grand-oncle de Jules Hardouin-Mansart.

Les façades, derrière lesquelles des particuliers purent construire à leur guise, ont l'ordonnance classique des places de Mansart: pilastres ioniques, rez-de-chaussée
d'arcades surmontées d'un mascaron à la clé, deux étages et des combles à mansardes.

Le quartier

Attirés par la splendeur de la place et par la statue illuminée de tous côtés, tous les mendiants et vagabonds du quartier s'y donnèrent bientôt rendez-vous.

Dès 1718, trois ans après la disparition du Roi, colonnes et fanaux furent démontés, et l'on ne vit plus "le Soleil entre quatre lanternes", comme l'avait chanté un madrigal.
Passage des cortèges officiels au XVIIIè siècle, la place des Victoires est aussi la demeure de grands financiers, comme Samuel Bernard ou John Law.

Elle devient alors très animée et les commerces, surtout des draperies, vont prédominer tout au long du XIXè siècle, entraînant sa dégradation.

Ainsi, en 1828 et 1837, les rues de la Feuillade et Croix des Petits Champs furent successivement élargies.
Enfin, le percement de la rue Etienne Marcel, en 1883, vint malheureusement éventrer le nord de la place.

Le saviez-vous?

Une satue équestre, en dehors de la célébration d'un grand personnage, recèle toujours un petit secret. En effet, il suffit de regarder le cheval pour découvrir
les circonstances de la mort du cavalier.

Ainsi, si seuls les deux postérieurs (les jambes arrière) du cheval sont posés au sol, cela signifie que le cavalier a combattu, mais est mort dans son lit. C'est le cas de
la statue de Louis XIV, place des Victoires.


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La statue d'Henri IV
sur le Pont-Neuf


Lorsque le postérieur droit et l'antérieur gauche (ou inversement) sont posés au sol et que les membres opposés sont en l'air, cela signifie que le cavalier est décédé de mort violente, au combat ou assassiné. C'est le cas, par exemple, de la statue d'Henri IV sur le Pont-Neuf.
Enfin, si les quatre jambes (et non pas pattes !) du cheval sont posées au sol, cela signifie que le cavalier n'a jamais combattu, et qu'il est mort dans son lit. 

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