L'hygiène publique


Dès le XIIIè siècle, les édiles s'efforcent de rendre leurs cités plus propres, en faisant paver les rues principales. Mais rares sont les villes qui édifient des égouts, comme Provins, engagent des "maîtres-fifi" pour vidanger les fosses septiques ou à fond perdu, ou qui instituent un service d'éboueurs autre que les cochons qui vaguent en liberté dans les rues...

A Paris, même les voituriers des tombereaux d'ordures, collectées pour amender les champs, contribuent à la saleté ambiante: ils sont accusés d'en répandre partout, car leurs véhicules n'étaient pas adaptés. A la suite de nombreuses plaintes portées en justice par les riverains des corps de métiers pollueurs, les autorités prennent des ordonnances pour tenter d'assainir la ville, lutter contre la pollution chimique et promouvoir une hygiène publique.

L'approvisionnement en eau

L'eau pure est une denrée rare. Si certaines grandes villes sont encore desservies par des aqueducs romains, comme Marseille, la disponibilité en eau de source se limite souvent à quelques fontaines urbaines. Pour une population de 200 000 habitants, Paris n'en a que six, construites entre 1182 et 1400.

Comme l'approvisionnement en eau est une corvée, les habitants ont recours à des porteurs d'eau et des puits sont creusés dans les caves des maisons ou dans les arrières-cours. L'eau de pluie, considérée comme pure, sert dans la cuisine, voire comme boisson. Elle est récupérée dans des tonneaux placés sous des gouttières. 

Il est en revanche déconseillé de consommer l'eau des puits et des citernes, pollués en raison de leur contigüité avec les latrines domestiques et les fosses à ordures. On l'utilise surtout pour arroser les jardins, abreuver les animaux, faire la lessive ou la vaisselle.

L'évacuation des eaux usées aggrave d'ailleurs la saleté urbaine: par des goulottes aménagées à travers les murs des cuisines, les éviers dégorgent directement sur la rue, dont le caniveau central tend à se combler rapidement. 
Les grands aristocrates s'offusquent de la pollution qui nuit à la santé publique et des détritus qui gênent la circulation des hommes et des marchandises. A Paris, Philippe Auguste ordonne le pavage des grands axes. Dès le XIVè siècle, les Parisiens sont assujettis à une taxe pour financer l'enlèvement des ordures... Une ordonnance de Charles VI interdit de jeter les excréments et les immondices dans les cours d'eau, et des réglementations obligent les métiers salissants ou émetteurs de résidus toxiques à s'implanter en aval des cités. 

Comme les passants ne se gênent pas pour uriner au pied des maisons, il faut peindre des croix au bas des murs pour les en dissuader. A cette époque, en effet, il était impensable d'uriner sur un symbole chrétien. Les contrevenants seraient alors blasphémateurs, crime grave entre tous.

 
Mécréant foudroyé après avoir uriné sur une croix

En dépit de toutes les ordonnances, à la fin du XIVè siècle, la capitale est toujours aussi mal tenue :" orde et pleine de boues et de fiens que chacun a laissé et mis devant sa porte". En ville, les riverains n'apprécient pourtant pas la saleté de la voirie, mais...le pavage est à leur charge, et ils ne veulent pas en faire les frais.

En outre, certains corps de métiers persistent à jeter leurs résidus à même le sol, ainsi les bouchers et les barbiers qui déversent les uns le sang et les viscères des animaux, les autres le sang des saignées et les cheveux coupés... Ruraux et citadins se contentent souvent de jeter leurs ordures dans les cours d'eau ou dans la rue quand débordent les fosses dépotoir creusées dans les jardins.
Malgré tout, les habitants sont régulièrement rappelés à leurs devoirs: chacun doit balayer devant chez lui.