Vie quotidienne à Paris
L'hygiène au Moyen-Âge (4)

Le rangement

Dans la maison bourgeoise, la propreté domestique inclut le rangement irréprochable des ustensiles domestiques sur des étagères ou dans des coffres. Les placards muraux et les éléments portants permettent de mettre la vaisselle et la nourriture en hauteur, à l'abri de la poussière ou des animaux: barres à saucisses, crochets à suspendre les jambons...

Les tables, de simples  plateaux de bois sur tréteaux, sont démontées après chaque repas et rangées contre un mur. C'est de cette habitude que nous vient l'expression "dresser la table".

Les lits sont refaits tous les matins: les draps et les couvertures sont soigneusement retendus et lissés à l'aide d'un bâton. Rien ne doit traîner, surtout les habits, coûteux et donc précieux, disposés sur des perches ou pliés dans des coffres: les armoires n'existent pas encore, sauf dans les sacristies des églises ou les grands hôpitaux.



                  Au lit au Moyen-Âge

Faire la lessive et la vaisselle

Le linge de corps est lavé dans des lessives bouillantes, riches en cendres, et frotté au savon gras, fait de suif de boeuf. Les draps sont bouillis puis blanchis au soleil, étendus sur l'herbe ou sur des perches. Quant aux habits de dessus, ils sont régulièrement brossés et dégraissés dans les milieux aisés.

La vaisselle ordinaire est nettoyée au sable et à l'eau, puis mise à sécher sur des épis de séchage plantés aux portes des maisons.

Les latrines

Une bonne hygiène corporelle est rendue difficile par l'absence de salles d'eau. A la campagne, aller dehors signifie...aller aux toilettes ! En ville, l'intimité n'est possible que dans les milieux aisés. Pendant la journée de travail, on peut se rendre dans des latrines publiques où l'on se soulage en commun sur des bancs percés, parfois à plusieurs places. Toutes les maisons urbaines ne disposent pas de commodités. La majorité n'ont qu'un simple édicule de bois dans le jardin, avec un siège planchéié juché au-dessus d'une fosse cuvelée d'un tonneau, et les lieux sont rarement récurés. 

Dans les immeubles de rapport, les latrines sont situées dans un galetas, sous le toit, et entre deux maisons, pour être partagées par leurs occupants. En 1374, sous Charles V, une ordonnance royale intime à tous les propriétaires d'avoir "latrines et privés suffisants en leur maison" aboutissant sur une fosse ou un égout pour éviter de salir les rues. Mais rien n'est plus inégalitaire que l'hygiène privée, et seuls les riches citadins jouissent de pièces particulières; elles sont appelées "chambres privées, lieux, garde-robe, aisances, retraits"...

Dans les demeures opulentes, les latrines sont maçonnées. Il en existe trois types, tous ne respectant pas l'injonction à protéger l'environnement:
- les latrines en encorbellement; la structure maçonnée ou en pans de bois, voire en planches, est accrochée sur la façade arrière ou latérale d'une maison ou d'une tour. Elle comporte une ou deux places. Les déjections retombent soit dans une venelle, soit dans un petit espace vert, où elles peuvent être collectées pour servir de compost, soit enfin , quand il s'agit d'un château, dans un fossé, nettoyé une fois par an au mieux. Elles laissaient sur les murs des traces révélatrices et déplaisantes et l'hygiène publique ou le confort olfactif n'étaient pas vraiment assurés.

- les latrines à conduit biais: le conduit, aménagédans le mur, débouche aussi sur son parement extérieur. La seule manière de nettoyer la façade était d'attendre la pluis...

- les latrines à fosse: les conduits d'évacuation, aménagés dans l'épaisseur du mur, mènent à une fosse. Elles desservent les appartements princiers et on les trouve principalement dans les tours maîtresses. Il en existe aux différents étages ce qui nécessite une rationalisation de la construction, par exemple le décalage des différentes bouches d'évacuation. La fosse possède un sol perméable pour laisser les liquides s'infiltrer et permettre aux matières fécales de durcir rapidement, évitant ainsi la fermentation et les émanations désagréables, et préservant la qualité de l'environnement de la résidence. La fosse dispose d'un accès extérieur pour être vidangée.

 



                                                                                                                                  Latrines communes entre deux immeubles de rapport.
                                                                                                                                 Un des habitants est passé à travers le plancher,
                                                                                                                                 ce qui a attiré l'attention des voisins...

 

Confort et sophistication


Dans les demeures aristocratiques, les cabinets de toilette sont relativement confortables avec un siège maçonné, couvert d'une planche percéedoublée d'un tissu doux et précieux. Isabeau de Bavière s'asseyait sur le velours bleu de sa chaise percée....

Les latrines princières bénéficient d'un confort sophistiqué: elles sont aérées par un "éventoir" ménagé dans le mur et chauffées, logées à cette fin derrière la cheminée d'une salle, comme à la Tour Jean sans Peur.

En guise de papier toilette, les puissants se servent de coton ou d'étoupe de lin; les pauvres utilisaient des poignées d'herbes, de paille ou de foin qui bouchent les conduits des latrines, et finissent par être interdits comme à Narbonne. Tous peuvent user de feuilles de bouillon blanc, larges et veloutées, qui poussent à volonté dans les jardins. Le "Livre des simples médecines" en conseille l'usage "pour s'essuyer le fondement quand on est dehors".

Au XVIè siècle seulement débutera l'usage de "se torcher les fesses au retrait" non de papier blanc, mais "de papier écrit qui ne sert de rien", lit-on dans les souvenirs d'un collégien.